Après l’article sur le chien réactif aux congénères qui présentait les principales causes de la réactivité canine envers les autres chiens (et par extension à tout autre stimulus), il s’agit maintenant d’étudier les façons d’y remédier.
Cet article ne se limite pas au chien réactif congénères, il englobe toute forme de réactivité : humains, autres espèces, congénères, mouvements, bruits…
La réactivité canine est un grand défi pour les propriétaires qui se posent invariablement la question : « peut-on la guérir ? »
La réponse est oui : une rééducation du chien réactif peut la faire peut disparaître dans ses manifestations les plus intenses. Le chien restera avec un potentiel de réactivité mais avec la bonne approche et les bonnes techniques, il ne posera plus de problème de comportement.
Comment se manifeste la réactivité ?
Quand on évoque un chien réactif, on imagine souvent un animal fou furieux au bout de sa laisse, prêt à charger et désireux d’en découdre avec l’objet de sa fureur.
C’est parfois le cas. Mais en réalité, le comportement canin du réactif peut se manifester de quatre façons différentes :
- Tenter de fuir
- Se figer sur place
- S’exciter
- Attaquer
Malheureusement, les 3 premiers comportements sont souvent voués à l’échec.
Le chien attaché au bout d’une laisse ne peut pas s’enfuir pour mettre la distance dont il a besoin.
S’il se fige, ses signaux passent le plus souvent inaperçus et sont donc inefficaces.
S’il commence à s’exciter, il se fait réprimander.
Il ne lui reste donc que l’agressivité pour se faire comprendre et espérer obtenir ce qu’il souhaite.
Il arrive fréquemment que les propriétaires d’un chien réactif pensent que l’agressivité de leur chien est apparue soudainement. En réalité, la plupart du temps, l’animal a donné d’autres signaux en amont mais ceux-ci n’ont pas été bien interprétés. En revanche, dès qu’il commence à montrer les dents, le chien est mieux écouté et le 1er réflexe est de quitter la situation stressante pour qu’il se calme. Son objectif est enfin atteint et il reproduira ce comportement à l’avenir puisque c’est ça qui fonctionne…
Ce risque se produit particulièrement avec les chiots : on sait maintenant que les 4 premiers mois du chiot doivent être consacrés à sa socialisation en le mettant en contact avec un maximum de situations. Malheureusement, les propriétaires ont tendance à forcer les approches et même les contacts. Si le chiot se contracte ou tente de fuir, on le pousse gentiment vers ce qui l’effraie. Ou encore, on le porte pour l’amener où on le désire et lui montrer qu’il « n’y a pas de raison d’avoir peur ».
Ce faisant, on ouvre la porte à l’agressivité qu’en grandissant le chien apprendra à opposer à ces situations qui l’ont mis en difficulté et où il n’a pas été écouté.
La rééducation du chien réactif demande du temps
Le travail de réhabilitation est souvent long et demande donc un investissement-temps conséquent, de la patience et de la cohérence
Plus la réactivité est installée depuis longtemps et plus il faudra du temps d’entraînement.
Pourquoi ?
Parce que le chien réactif est victime d’une émotion mal gérée qui le submerge (peur, colère, excitation, frustration…). Et c’est cette émotion qu’il faudra travailler en premier. Or, modifier une émotion dans un contexte donné peut demander du temps.
Ensuite, parce que votre animal a pris une habitude. Celle de se jeter au bout de sa laisse, ou de fuir ou d’attaquer, etc. Cette habitude lui a permis d’obtenir ce qu’il voulait c’est-à-dire mettre de la distance entre lui et sa cible.
Pareil pour le chien réactif par excès de sociabilité. Lui, c’est de la proximité qu’il veut. Et il a appris qu’en tirant, aboyant, sautant, il obtient ce contact tant désiré. Sachant qu’il ne cherche qu’à jouer, ses maîtres ont vite fait de lâcher la laisse pour le laisser aller (ce qui en soit peut se révéler catastrophique !)
Plus le chien s’est installé dans son comportement de réactivité, plus le temps de réhabilitation sera important. Mais avec un travail journalier et une rigueur sans faille dans la progression, on peut obtenir de très bons premiers résultats en quelques semaines.
Première étape : La gestion de l’environnement
Le comportement augmente ou diminue en fonction de ses conséquences.
Nous savons que lorsque le chien déclenche, la conséquence est positive pour lui : il obtient ce qu’il veut : distance ou contact avec sa cible.
Il comprend donc vite qu’il a intérêt à agir de la sorte et il reproduit ce comportement à chaque fois qu’il se trouve dans la même situation
Et le même scénario se répète encore et encore, empirant à chaque fois un peu plus la réactivité. Le chien est alors en pilotage automatique et ne sait plus réagir différemment.
Afin de casser ce schéma, il faut commencer par ne plus du tout mettre le chien en situation de se déclencher.
Quelques exemples :
- Snoopy a l’habitude d’aboyer le long de la clôture à chaque fois qu’un piéton passe. Afin qu’il ne soit plus en mesure de produire ce comportement, plusieurs solutions peuvent être envisagées : le garder en laisse dans le jardin, occulter le grillage, barrer l’accès à une distance confortable pour Snoopy, etc.
- Lilas souffre de réactivité envers les humains inconnus. Pendant un certain laps de temps, on lui évitera toute rencontre en le sortant à des heures et dans des lieux où les risques de rencontres sont faibles ; on privilégiera des endroits bien dégagés qui permettent de voir loin et on veillera à anticiper des replis éventuels
- Certains bruits font réagir Nuts de façon disproportionnée. Une fois identifiés, la gestion consistera à lui éviter d’entendre ces bruits en les supprimant, en les masquant ou en mettant le chien dans un lieu où il ne peut pas les entendre
- Stella saute sur toutes les personnes qu’elle croise. Elle est avide d’attention et de caresses. On évitera cette situation en demandant aux gens de l’ignorer, en la retenant par sa laisse, en l’écartant de la porte quand des invités arrivent, etc.
L’idéal est que le chien ne soit plus du tout en contact avec l’objet de sa réactivité le temps que le travail de fond aboutisse. Malheureusement, c’est parfois difficile et, malgré tous les efforts fournis, il peut arriver des occasions de déclenchement. L’important est que cela se produise le moins possible.
Deuxième étape : l’apprentissage de nouveaux comportements
Tout au long de la période de gestion, un travail de fond sera entrepris avec le chien pour lui apprendre à se comporter différemment lorsqu’il est en proie à des émotions intenses.
La qualité de la relation du couple humain-chien est primordiale pour mener à bien ce travail. Si cette relation est défaillante, il faudra d’abord l’améliorer et la consolider avant de passer aux étapes suivantes.
Le calme
Comme la réactivité se manifeste par des comportements agités, la première chose à enseigner au chien réactif est le calme.
Cette approche consiste à l’entraîner à adopter une position de détente qu’il va tenir jusqu’à ce que vous le libériez. C’est un travail progressif qui, à terme, va amener le chien à retrouver instantanément le calme quand cette position lui sera demandée y compris dans des situations qui déclenchent habituellement sa réactivité.
L’apprentissage des comportements souhaités
Il faudra se poser la question du comportement que vous souhaitez que votre chien adopte lorsqu’il se retrouve en situation délicate.
- Si vous souhaitez que la réponse de votre chien soit de revenir marcher tout près de vous, il faudra perfectionner son rappel et/ou sa marche au pied
- Si l’objectif est que le chien s’assoit, il faudra lui apprendre à tenir la position assise en toutes circonstances
- Si vous voulez que votre chien surmonte son envie d’aller vers la cible, il faudra lui apprendre à renoncer aux tentations
- Etc.
Le contrôle des émotions
La réactivité canine signe des émotions mal dominées.
Il faut donc aider le chien à augmenter son seuil de tolérance par rapport aux diverses émotions qu’il peut ressentir. C’est ce qu’il est d’usage d’appeler les autocontrôles
Le chien pratique l’autocontrôle lorsque de lui-même, sans demande extérieure, il ne fait pas ce qu’initialement, il aurait fait spontanément (par exemple, se servir dans l’assiette de saucisson posée sur la table basse)
Pour en arriver là, de nombreux exercices existent qui consistent à apprendre au chien à attendre (sa gamelle, l’ouverture de la porte, le départ en balade…), à renoncer aux tentations, à marcher tranquillement en laisse pour se rendre à l’endroit souhaité…
La sécurité
Pendant cette période de gestion, il est judicieux d’introduire aussi l’apprentissage de la muselière.
Cet outil est précieux pour les chiens réactifs car il permet d’assurer la sécurité des personnes ou animaux de leur environnement.
Elle vous procurera aussi un confort mental qui vous permettra d’être plus détendu lors du travail en situation.
Cependant, la muselière doit être acceptée par le chien et non subie. Même si elle est contraignante, elle peut devenir un objet positif, associé à de bons moments (friandises, balades…).
Dans cette vidéo, vous verrez comment familiariser le chien avec la muselière.
En fonction du profil du chien, des compétences déjà présentes et des objectifs définis, les apprentissages seront différents. Mais, dans le cas du travail sur la réactivité, ils devront être poussés au maximum pour que le chien intègre ces nouveaux comportements et les produise de façon quasi machinale.
Attention, toute cette étape d’apprentissages doit se faire hors situation. Parallèlement, la gestion de l’environnement exposée précédemment continue d’être pratiquée
Du travail en situation contrôlée à la remise en situation réelle
Pourquoi un pilote chevronné ne se laisse pas gagner par la panique si un incident se produit dans son avion ? C’est parce qu’il a répété ces situations des centaines de fois dans des conditions contrôlées.
C’est pareil pour le chien : une fois les apprentissages effectués et parfaitement maîtrisés, ils vont être testé en mettant le chien dans des situations analogues à celles qui le faisaient déclencher.
Analogues mais pas identiques : on travaille dans le respect des zones de confort si importantes en gestion émotionnelle.
En tant qu’humain nous connaissons bien ces zones : si un inconnu passe sur le trottoir d’en face, nous n’y prêtons pas attention et sommes parfaitement indifférent. Si nous devons le croiser, nous prenons conscience de sa présence, nous lui jetons un coup d’œil (réflexe de sécurité), nous décidons par quel côté nous allons le croiser. Si ce même passant se met à nous suivre en nous collant étroitement, nous serons mal à l’aise puis apeuré ou en colère.
Le chien aussi doit gérer ces différentes zones que l’on désigne conventionnellement par 3 couleurs
- En zone verte, le chien est parfaitement à l’aise et détendu. C’est son périmètre de confort (le passant du trottoir d’en face)
- En zone orange, il est conscient de la présence de ce qui est susceptible de le mettre mal à l’aise que ce soit un humain, un congénère, un vélo… Il commence à se tendre et à préparer une stratégie (c’est le passant qu’il faut croiser)
- En zone rouge, le chien est en état de crise émotionnelle. Son comportement est dicté par l’adrénaline et il n’est plus en état de se contrôler (c’est le passant qui nous colle)
Lors du travail en situation contrôlée, on amène tranquillement le chien en limite vert-orange jusqu’à ce que cette zone soit entièrement verte. De ce fait, on rétrécit mécaniquement la zone rouge. Puis on avance de la sorte, l’objectif étant de supprimer peu à peu la zone rouge.
Tout au long de cette progression, on demande au chien de produire les comportements qu’on lui a enseignés pendant la phase de gestion.
Avec un chien extrêmement réactif, il peut rester une zone orange qui ne devient jamais verte. Mais les nouvelles compétences du chien permettront à votre binôme une bonne gestion de ces situations stressantes.
On ne va jamais en zone rouge
Pour être sûr de ne pas franchir la limite, il faut une bonne compréhension du langage corporel de son chien.
Avant de réagir, il donne des signaux qui indique qu’il se trouve en zone orange : une crispation du corps, les oreilles qui se dressent, le poil qui se hérisse, la fixité du regard, l’arrêt figé, etc. Ces signaux sont parfois très subtils : par exemple, le chien va se mettre à flairer le sol tout autour de lui quand il voit un congénère s’approcher. Si on la sait réactif aux congénères, on peut y voir l’indication d’un malaise.
Les manifestations de stress sont différentes d’un animal à l’autre mais une observation attentive permet de les connaître et de ne pas aller au-delà.
Pour conclure, on ne peut que conseiller d’oublier les étiquettes. Oui, ce chien est réactif mais ce n’est pas ça qui le définit. Il est aussi intelligent, affectueux, sociable, partageur, calme à la maison. Il ne détruit pas, n’aboie pas pour rien, ne tire pas en laisse, etc.
Dressez la liste de tout ce que vous aimez chez votre chien, tout ce qu’il vous apporte, tout ce qu’il fait de bien. Cela permet de relativiser sa réactivité.
La tenue d’un journal de bord est très utile. Travailler avec un réactif est intense. C’est un chemin ardu, on a parfois l’impression que l’on n’y parviendra jamais. Les périodes de découragement sont fréquentes, on perd l’envie. Pouvoir relire le chemin parcouru aide à rester motivé et à mesurer les progrès.
Enfin, parce qu’il s’agit d’une mission ardue, se faire aider par un spécialiste en comportement canin peut être particulièrement recommandé. Ce professionnel sera à vos côtés pour vous guider et pour vous aider à dépasser les moments difficiles.