Comment le chien apprend : les 4 lois de l’éducation canine

Comprendre comment le chien apprend est indispensable à toute personne souhaitant éduquer un chien que ce soit à titre professionnel ou à titre personnel avec son animal.

Toutes les espèces (humain, chien, oiseau…) sont capables d’apprendre car les apprentissages sont indispensables à la survie.

Chaque compétence d’un être vivant est le fruit d’un apprentissage, que celui-ci soit intrinsèque (évolution, expérience) ou extrinsèque (éducation).

Depuis le début du XXème siècle, de nombreuses recherches se sont intéressées aux lois qui gouvernent les apprentissages. Dans cet article, le focus se fait bien sûr sur les travaux relatifs à l’éducation canine même si l’ensemble de ces lois s’applique à tout ce qui est vivant.

Les différentes méthodes d’apprentissage ne seront pas développées ici. Elles fonc l’objet d’un article précédent. Tout au long de ce qui suit, il n’est question que d’éducation canine positive.

L’éducation canine repose sur le respect

Respecter c’est prendre en considération les possibilités de chaque individu dans toutes ses composantes : physiques, mentales et émotionnelles.

C’est également tenir compte des besoins de son animal. Il y a les besoins de base communs à l’espèce canine mais il y a également ceux qui sont propres à votre chien tel qu’il est selon sa race, son passé, son tempérament…

C’est pourquoi les techniques utilisées seront différentes selon le chien concerné. On ne travaillera pas de la même façon avec un chien méfiant et avec un autre hyper sociable. L’approche sera également différente entre un petit chien dont le champ de vision sera à la hauteur de votre mollet et un chien de race géante qui voit haut et loin.

Cependant, même si les techniques employées sont différentes selon l’individu auquel on s’adresse, elles reposent toujours sur les mêmes principes de base qui sont exposés ci-dessous.

Les déterminants des comportements canins

Donc allons-y pour un peu de théorie 😁. Ne fuyez pas, ces clés vous permettront de mieux comprendre comment votre chien apprend et comment être efficace !

Différents courants de pensées se sont succédés et confrontés pour aboutir à ce que nous connaissons aujourd’hui des mécanismes d’apprentissage du chien.

Il reste encore une grande part inconnue des processus qui se déroulent dans le cerveau mais peu à peu, même ce domaine nous est dévoilé notamment grâce aux recherches menées par IRM. A ce sujet, je vous recommande l’excellent ouvrage de Grégory BERNS « Dans la tête d’un chien – Les dernières découvertes sur le cerveau animal » aux éditions Humensens.

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Toute éducation est un conditionnement. Quand nous apprenons à nos enfants les « mots magiques » tels que s’il-te-plaît ou merci, nous ne faisons rien d’autre que les conditionner c’est-à-dire provoquer chez eux des réflexes qu’ils utiliseront toute leur vie de façon systématique et même souvent sans les remarquer.

Pour cela nous utilisons :

  • Un intérêt à agir c’est-à-dire une motivation : quand il dit s’il-te-plaît, l’enfant obtient ce qu’il souhaite. Quand il dit merci, il obtient des félicitations pour sa politesse
  • Une association : l’enfant va associer la satisfaction de ses désirs à l’utilisation des mots demandés
  • La répétition : avant que ces formules de politesse ne soient devenues automatiques, nous sommes amenés à les demander encore et encore à chaque occasion.

Apprendre à un chien à produire les comportements souhaités relève exactement de la même démarche et s’appuie sur les mêmes principes.

Reprenons ces points :

Motivation et association

Association de cause à effet et motivation vont commander les apprentissages et entraîner l’animal à produire le comportement demandé.

Le premier chercheur à avoir formalisé cette association est PAVLOV, physiologiste russe, qui en 1903, a mis au jour les principes du conditionnement classique. Par exemple, si on présente à un chien un objet neutre en même temps que de la nourriture, le chien finira par associer les deux et saliver rien qu’à la vision de l’objet neutre (dans les travaux de PAVLOV, le neutre était le son d’une cloche).

En 1911, Edward THORNDIKE, psychologue américain a fait progresser les neurosciences en énonçant la loi de l’effet : un comportement a plus de chance de se reproduire s’il apporte satisfaction alors qu’un comportement qui a des conséquences neutres ou inconfortables aura tendance à diminuer et à s’arrêter. C’est ce que l’on appelle le conditionnement opérant.

Ainsi, si mon chien reçoit une friandise à chaque fois qu’il va dans son panier, il s’y rendra  fréquemment et volontairement.

A l’inverse si à chaque fois que mon chien me saute dessus pour attirer mon attention, je l’ignore totalement, il cessera peu à peu d’utiliser ce moyen.

Les travaux de THORNDIKE ont été poursuivis par BF SKINNER qui était également un psychologue américain. Ses expériences du début des années 1930 ont permis d’élaborer des lois d’apprentissage qui sont aujourd’hui largement utilisées aussi bien pour les êtres humains que pour les animaux.

Les conclusions des travaux de ces chercheurs sont bien résumées dans cette petite vidéo

SKINNER a établi que le comportement augmente ou diminue selon 4 modalités relatives aux conséquences de ce comportement: Le Renforcement et la Punition ; le Positif et le Négatif.

Le renforcement a pour objet de faire se reproduire le comportement

La punition a pour objet de faire cesser le comportement

Est positif ce qui consiste à ajouter quelque chose derrière le comportement

Est négatif ce qui consiste à retirer quelque chose derrière le comportement

  • Le renforcement positif (R+) : si le sujet prend du plaisir aux conséquences de son comportement, il y a des chances qu’il le reproduise.

Exemple : mon chien s’assoit, je lui lance sa balle. A l’avenir, il aura tendance à s’assoir quand il me verra saisir son jouet

  • Le renforcement négatif (R-) : si la conséquence du comportement entraîne l’arrêt d’une situation déplaisante, Là encore la probabilité de reproduction de ce comportement sera forte.

Exemple : Quand mon chien tire en laisse, la traction du collier est désagréable. S’il relâche la tension, il y gagne en confort

  • La punition positive (P+) : si la conséquence du comportement est déplaisante, il est probable qu’il diminuera ou s’éteindra

Exemple : si mon animal se fait griffer en approchant du chat, il s’en tiendra éloigné à l’avenir

  • La punition négative (P-): si le comportement entraîne le retrait d’une situation ou de quelque chose d’agréable, il y a des chances pour qu’il disparaisse ou diminue

Exemple : quand mon chien s’excite trop en jouant avec moi, je cesse le jeu et tourne les talons. Peu à peu il tempèrera ses réactions

En éducation positive, la modalité utilisée est le R+ : on encourage le chien à produire les comportements que l’on souhaite en utilisant des récompenses correspondant à ce qui le motive à un moment donné.

Si j’apprends quelque chose à mon chien avant son repas, il y a des chances que ce qui le motive à ce moment soit la nourriture. Mais s’il vient de manger, ma croquette ne sera probablement pas suffisante pour l’intéresser.

Il peut arriver d’utiliser le P- quand le chien sait très bien ce que l’on attend de lui mais s’y refuse.

Par exemple, dans la vidéo ci-dessous, ma chienne Goa refuse de s’assoir. Comme je l’ignore et ne m’occupe plus d’elle, elle change rapidement d’avis 😄

Les répétitions

Pour qu’un apprentissage devienne un automatisme, chaque étape doit se faire progressivement et les répétitions doivent être nombreuses.

Imaginons que vous voulez apprendre le rappel à votre chien (je ne choisis pas le plus facile là !) : au début, vous l’appellerez très souvent en étant dans la même pièce, puis d’une pièce à l’autre. Quand il sera 100% opérationnel dans la maison, vous irez dans le jardin. Très progressivement, vous rajouterez de la distance entre vous. Puis des distractions. Il faudra que tout soit parfait pour commencer à vous entraîner au rappel à l’extérieur et là encore, vous commencerez avec des distances très courtes etc.

Chaque étape, aussi minime soit-elle devra être répétée encore et encore jusqu’à parfaite intégration.

Au final, quand vous pourrez affirmer que votre chien a vraiment un bon rappel, ce sont des milliers de répétitions que vous aurez derrière vous.  

Vous pourrez noter que les comportements que le chien apprend par lui-même n’ont pas besoin d’encouragements pour être reproduits : le jour où Snoopy saute sur la poignée de la porte et que celle-ci s’ouvre, c’est tout de suite compris !

Alors pourquoi faut-il tant de répétitions si on veut lui apprendre à le faire ?

Tout simplement parce que les compétences que nous voulons transmettre à nos chiens ne leur sont ni naturelles ni spontanées.

Pour reprendre l’exemple du rappel, si on n’apprend pas à notre animal que revenir vers nous à la demande est toujours le meilleur choix pour lui, ce ne sera pas forcément sa priorité.

Prenez un enfant qui joue dehors avec ses copains et appelez le pour qu’il rentre faire ses devoirs. Spontanément, il n’aura probablement guère envie de vous écouter. Mais s’il sait qu’en obéissant, il pourra regarder sa série préférée après son travail, il lui sera moins difficile de rentrer que si sa seule perspective est son cahier de maths.

Le chien n’a pas les mêmes facultés d’anticipation abstraite que l’humain. Donc si on veut qu’il associe un comportement avec une conséquence agréable, il faudra l’entraîner à cela de nombreuses fois.

Je deviens donc une machine à bonbons ?

C’est la crainte émise par de nombreux propriétaires ainsi que celle de voir le tour de taille de leur chien prendre des proportions ahurissantes.

Sachez tout d’abord que les récompenses ne sont pas forcément des friandises et rappelez vous que la meilleure récompense est celle qui motive le chien au moment présent. Selon le contexte, cela peut être une séance de jeu, un départ en promenade, des félicitations chaleureuses…

Il est vrai que les récompenses sont souvent alimentaires pour des raisons pratiques et parce que la majorité des chiens y sont sensibles. Mais elles peuvent être mixées avec bien d’autres actions renforçatrices.

éducation canine positive avec récompenses

Par exemple, si je veux que mon chien s’assoit dès que je lui demande. Je peux effectivement lui donner une petite croquette quand il s’exécute mais je peux aussi lui donner l’ordre à chaque fois qu’il veut obtenir quelque chose : avant de mettre la laisse, avant d’ouvrir la porte, pour lui lancer sa balle, pour l’autoriser à grimper sur le canapé, etc.

Par ailleurs, une fois passée la période d’apprentissage initiale, vous allez espacer la distribution de récompenses. Là encore, on peut faire l’analogie avec l’éducation d’un enfant : quand le petit humain commence à dire « s’il-te-plaît », on le félicite chaudement et on fait en sorte de lui donner satisfaction. En faisant cela, on le renforce puissamment. Quand il a 20 ans, ça fait bien longtemps que cette formule de politesse n’est plus récompensée !

Donc une fois que votre chien a compris ce que vous attendez de lui, il devient inutile de récompenser systématiquement. Un « c’est bien » peut suffire et de temps à autre un petit bonus sous forme de friandise ou autre renforcement pour entretenir la motivation.

Enfin, si le mode de renforcement est la friandise, vous pouvez facilement prélever quelques croquettes sur la ration journalière et utiliser cette taxe en récompense des bons comportements.

Sur ce sujet, je vous propose l’article complet Récompenses et friandises dans l’éducation de votre chien.

Instincts et besoins

Le reproche principal que les détracteurs de THORNDIKE ou SKINNER leur ont fait est que toutes ces théories, bien que vérifiées et validées, reposent sur des expériences menées en laboratoire, sur des animaux en captivité.

Ainsi l’éthologue autrichien K. LORENZ et le biologiste néerlandais N. TINBERGEN ont soutenu que dès leur naissance, les animaux présentent des comportements innés qui ne nécessitent pas d’apprentissage.

Pour eux, les études en laboratoire dénaturent les comportements innés et ne permettent pas d’avoir une connaissance réelle du fonctionnement de l’animal. C’est dans son milieu naturel que le sujet doit être observé et étudié.

Dès lors, les tenants de l’inné (instincts) et de l’acquis (apprentissages) se sont longuement et durement affrontés.

A ce jour, une synthèse des deux courants est assez communément admise notamment en ce qui concerne le chien qui, qu’on en ait conscience ou non, est toujours un animal captif.

Captif oui mais avec des caractéristiques liées à son espèce et aussi des spécificités propres à chaque individu en fonction des motifs de sa sélection, de son hérédité, de son vécu depuis sa conception (ontogenèse) et de l’environnement dans lequel il évolue.

Aussi, l’éducation du chien se fait en tenant compte :

  • De chaque animal avec ses caractéristiques et besoins personnels
  • Des attentes de la société dans laquelle il vit et qui sont souvent incompatibles avec sa nature de chien
  • De l’environnement spécifique à chaque animal (son lieu et son mode de vie, les humains autour, les autres animaux, les habitudes du foyer…)

Pour avoir un chien éduqué et heureux, nous allons donc procéder à une éducation par apprentissage et donc donner des acquis à notre animal mais nous allons aussi lui permettre d’exprimer des comportements qui correspondent à ses besoins innés.

Par exemple si j’ai un terrier, il y a de grandes probabilités pour qu’il adore creuser. C’est génétique et l’empêcher complètement de produire ce comportement reviendrait à contrarier sa nature et donc le rendrait frustré et malheureux.

En même temps, je ne souhaite pas qu’il détruise mon jardin ou celui d’autres personnes.

Je vais donc lui apprendre à ne pas creuser sans autorisation tout en lui ouvrant des moments et des lieux où il pourra forer à loisir.

Ainsi, besoins naturels et exigences sociétales seront respectés.

En résumé…

Pour résumer, il faut retenir que l’éducation d’un chien demande :

  • La meilleure connaissance possible de son animal : sa race et ses prédispositions, son passé, ses préférences, ses motivations, son caractère…
  • Un véritable respect pour ce qu’il est et notamment l’acceptation que nous ne sommes pas de la même espèce et que nos mondes sont différents
  • De l’humilité : nous ne sommes pas des dieux et le chien n’est pas notre esclave. Nos demandes doivent avoir pour but de vivre en bonne intelligence et non d’exercer du pouvoir
  • Du temps et de la patience. Ce n’est jamais le chien qui se trompe, c’est l’humain qui explique mal…

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