Instinct et comportement du chien

Selon le Larousse, l’instinct est la « part héréditaire et innée des tendances comportementales de l’homme et des animaux »

Tout être vivant naît avec les instincts de son espèce.  Dictés par les prédispositions génétiques, ils sont nécessaires pour assurer la survie de l’individu.

Le réflexe de téter du nourrisson mammifère en est un exemple. S’il n’en est pas capable, il est condamné.

Les flux migratoires des saumons ou des oiseaux sont également instinctuels : quand partir, où aller, quels couloirs emprunter… ? Cet instinct permettant à ces animaux de se diriger vers leur lieu de reproduction sont donc essentiels à leur survie.

L’instinct se manifeste automatiquement, il ne nécessite pas d’apprentissage.

Bien que les scientifiques se soient longtemps querellés autour des notions d’inné et d’acquis, il est aujourd’hui établi que ces deux concepts sont indissociables l’un de l’autre.

Ainsi, si la première succion du nourrisson relève de l’inné, la seconde possède déjà une part d’acquis.

Le chien possède donc des compétences innées relevant de l’instinct primaire.

Mais les générations de sélection ont créé chez lui des instincts auxiliaires qui sont presque aussi forts que les primaires.

Connaître toutes les prédispositions liées à l’espèce en général et à la race particulière du chien permet de comprendre le comportement de l’animal et de mieux gérer les éventuels excès.

Les instincts primaires 

Ils sont tellement puissants que l’éducation ou l’environnement peuvent les masquer mais pas les faire disparaître. Profondément inscrits dans le cerveau limbique du chien, ils prendront toujours le pas sur les comportements appris et pourront surgir si les circonstances s’y prêtent. Dans ce cas, ils seront prédominants sur tout ce que le chien a appris.

Les connaître aide beaucoup à comprendre les comportements du chien

L’instinct de préservation

Quand un chien se sent en danger, il met en œuvre ses mécanismes de défense pour se protéger et assurer sa survie.

Dans la grande majorité des cas, le chien se figera au tout début de la séquence perçue comme dangereuse. Puis, selon son tempérament et ses expériences passées, il choisira la fuite ou l’attaque.

C’est d’ailleurs pour lui laisser le choix de fuir qu’il vaut mieux laisser un chien inquiet libre de ses mouvements. Il pourra alors s’écarter du danger sans se sentir entravé donc doublement menacé. Bien sûr, le mieux est encore de le guider loin de la source de stress mais ce n’est pas toujours possible.

L’instinct de reproduction

La perpétuation de l’espèce passe par la reproduction. L’appel sexuel est donc puissant et fait partie des comportements qu’aucune éducation ne pourra juguler.

Le seul moyen d’empêcher un chien de se reproduire tout en le respectant est de procéder à sa stérilisation ou sa castration. Ainsi, le besoin ne sera plus présent et le chien pourra vivre sereinement.

Bien sûr, il est aussi possible de « gérer » le chien pour l’empêcher de se reproduire. Mais outre qu’un accident est toujours possible, les hormones seront toujours là et l’animal vivra de fortes frustrations tout au long de sa vie. Ceci est particulièrement vrai pour le mâle qui est sexuellement disponible en permanence.

L’instinct maternel

La chienne possède naturellement les qualités maternelles qui sont attendues d’elle.

Lorsqu’elle se sent prête à mettre bas, elle cherche spontanément un lieu isolé et confortable ; dès la naissance, elle sait couper le cordon, guider sa portée vers ses mamelles, les lécher pour l’évacuation des excrétas.

 Durant les premières semaines de vie des chiots, elle s’en occupe et les guide, ne quittant progressivement son rôle maternel qu’au moment du sevrage.

Il existe des exceptions et certaines chiennes refusent de s’occuper de la portée. Il faut souvent en chercher la cause dans un état physique ou mental préoccupant.

L’instinct social

Le chien est un animal social.

Il peut ne pas aimer ses congénères ou les humains mais il sera toujours proche de qui s’occupe de lui.

En effet, il ne peut pas vivre seul. Même les chiens sauvages se regroupent en bandes plus ou moins stables ou stationnent à proximité des habitations humaines.

L’instinct de jeu

Le jeu est naturel au chien et il conserve sa nature joueuse jusqu’à un âge avancé.

Dès que le chiot sait se déplacer, il commence à jouer avec les membres de sa fratrie.

Une fois adulte, il jouera avec des congénères qu’il apprécie mais aussi avec des humains.

Cependant, certains chiens n’aiment pas jouer. Souvent, ils n’ont pas eu l’occasion d’apprendre ou de pratiquer. Il en est ainsi des chiens sans fratrie, isolés ou précocement séparés de leur mère. Ce peut aussi être le cas de chiens ayant subi un important traumatisme ou dont l’état de santé physique ou moral est défaillant.

L’instinct de prédation

Il s’agit d’un instinct de chasse qui n’est plus guère nécessaire au chien domestique d’aujourd’hui, nourri par les soins de l’homme.

Cependant, il est tellement ancré dans les gènes de l’espèce que tout chien, même le plus calme, porte en lui des prédispositions à ce comportement même s’il ne le manifeste jamais.

Une séquence complète de prédation est composée des séquences suivantes vis-à-vis de la proie :

  • La repérer
  • La fixer
  • La poursuivre
  • L’attraper
  • La secouer
  • La tuer
  • La manger

Chez nos chiens domestiques, la séquence ne va jamais jusqu’à l’ingestion mais selon la race et le tempérament du chien, la prédation peut aller jusqu’à la mise à mort de la proie.

La reproduction sélective a profondément modifié la séquence de base. Ainsi, le chien de troupeau est travaillé sur les 4 premières phases de la séquence mais on a éliminé les comportements de secouage, mise à mort et ingestion.

Cet comportement de prédation se manifeste parfois à l’égard de vélos, joggeurs, voitures… Pour certains chiens, tout ce qui bouge est motif de poursuite.

Les instincts auxiliaires

Il ne s’agit pas d’instincts au sens premier du terme. Plutôt de prédispositions qui sont tellement ancrées chez l’individu qu’il ne peut pas lutter contre. Ces comportements se manifestent si spontanément qu’ils semblent instinctuels.

Créés ou développés par l’homme

Au fil des sélections et des créations de races, il a été développé des catégories de chiens « formatés » pour accomplir certaines tâches utiles à l’humain.

Prenons l’exemple du chien de chasse. Il était nécessaire qu’ils aient l’aboiement facile pour guider les chasseurs. Des générations de sélection ont conduit à conserver dans les portées les chiots qui présentaient les meilleures dispositions pour cela et de reproductions en reproductions, l’aboiement est entré dans le schéma comportemental de ces individus. Ils ont besoin d’aboyer pour être équilibrés.      

Il n’y a pas de fatalité. On peut avoir des Beagles qui sont très silencieux mais si on s’apprête à en accueillir un, il est intéressant de savoir que la prédisposition est là et qu’elle est puissante.

Il est donc très important de se renseigner soigneusement avant de choisir la race de son chien.

Dans les instincts auxiliaires, on trouve donc notamment :

  • La chasse (terriers, retrievers, chiens courants, chiens d’arrêt…)
  • La garde (chiens de berger)
  • La défense (bergers, molosses…)

Les instincts propres à l’espèce

Les codes de communication canins sont pour certains instinctifs (aboiements) et pour d’autres acquis par observation de la fratrie (posture de jeu).

Ils sont néanmoins si profondément ancrés dans les comportements qu’ils finissent par se manifester de façon complètement naturelle selon la situation dans laquelle se trouve le chien.

Ainsi, la communication canine décrite par Turid Rugaas dans son livre de référence « Les signaux d’apaisement » est constituée d’un ensemble de postures et de comportements que le chien emploie de façon automatique pour dialoguer avec ses pairs ou avec les humains. Vous trouverez ici une critique constructive de ce livre.

Il ne s’agit pas vraiment d’instincts car il faut que le chien ait appris ces codes pour les manifester. Cependant, ils s’acquièrent tellement tôt qu’ils font ensuite partie du schéma comportemental de base de l’individu.

Ces codes de communication peuvent s’atténuer voire disparaître complètement.

Ainsi, un chien dont on ne respecte pas les différents signaux peut escalader dans la manifestation de son mal-être pour aller jusqu’à la morsure. Si ce schéma se reproduit, il peut « perdre » les signaux pacifiques et agresser directement.

Comment canaliser les instincts du chien au quotidien ?

Nous avons vu que le chien a été sélectionné pour produire certains comportements et qu’au fil du temps,ces comportements sont devenus quasi-instinctifs.

Le problème est que ces comportements qui sont naturels à notre ami sont parfois (souvent) dérangeants pour nous car mal adaptés à notre mode de vie.

  • Un chien qui saute en permanence peut être gênant
  • Celui qui aboie à tout propos peut devenir source de nuisance
  • Le prédateur qui courre sur tout ce qui bouge est un réel problème dans la vie quotidienne
  • Etc.

Nous sommes donc devant un paradoxe important : d’un côté le chien a besoin de produire ces comportements car son équilibre en dépend. De l’autre, nous cherchons à le limiter et même parfois à l’empêcher complètement.

Observez votre chien et trouvez le comportement qu’il produit en 1er quand il est en proie à une excitation par exemple. Cela peut être aboyer, sauter, courir partout, prendre un jouet, secouer un tissu ou un coussin, mordiller…

Ce premier réflexe correspond à un instinct de base chez votre chien. En effet, pourquoi face à une même situation, un individu choisira de tourner en rond et un autre préfèrera aboyer ? Le chien nous montre là le comportement que son instinct lui dicte de produire.

Dites-vous que CE comportement est celui qui est le plus engrammé chez votre animal et qu’il DOIT pouvoir l’exprimer. A défaut, il risque de tenter une compensation en se redirigeant vers d’autres activités qui ne vous plairont pas plus.

Prenons l’exemple du chien qui saute. Si on l’en empêche, il peut défouler ses émotions sur les coussins. On va également l’en empêcher. Il tentera autre chose… Mais quoiqu’il fasse, son besoin initial est de sauter. Et plus on mettra de barrières à différents comportements de substitution, plus on s’écartera du besoin originel jusqu’à ne plus savoir que faire pour calmer son chien et ne plus comprendre pourquoi il se comporte ainsi.

Les éducateurs sont souvent appelés pour « l’arbre qui cache la forêt ». Ainsi ce labrador qui mordait les mains et les jambes de tous les humains entrant dans la maison. Ses maîtres avaient bien constaté qu’il n’y mettait pas d’agressivité mais les morsures n’en étaient pas moins appuyées et douloureuses.

Lors du bilan, il est apparu qu’au début ce chien sautait sur tout le monde ce qui était gênant vu sa taille et sa force. Ses humains lui ont donc appris à ne pas sauter et il s’est mis à mordiller les mains. Il a alors été félicité car il ne sautait pas. Dans sa compréhension, il a été félicité parce qu’il mordillait ! Et ce comportement a pris de l’ampleur jusqu’à devenir ingérable.

Que faire ?

Pour satisfaire son chien tout en canalisant ses comportements, il faut lui apprendre à faire ce qu’il fait.

Eh oui ! En mettant le comportement sous contrôle, on autorise le chien à produire l’activité qui lui est nécessaire et à ne pas la produire quand ce n’est pas le moment.

Gardons notre exemple du chien sauteur (c’est tellement courant 😅…) :

  • Encouragez le à sauter en tapant des mains en hauteur ou en vous frappant le corps. Quand il s’élance sur vous, vous lui donnez le signal « Saute ! »
  • Faites cela de nombreuses fois
  • Une fois qu’il a compris, au moment où il redescend, tournez vos paumes de main vers le sol et dites-lui « En-bas » (ou tout autre mot de votre choix)
  • Alternez : « Saute! » « Saute! » « Saute! » – « En-bas »
  • Pour vérifier qu’il a bien intégré les signaux, faites-lui un « En-bas » à un moment où il s’apprête à sauter. Il se retient ? Bravo ! Il saute quand même ? Revenez en arrière dans l’entraînement

Comme toujours, il faudra être cohérent : si Madame met les sauts sous contrôle et que Monsieur continue de laisser Snoopy lui sauter dessus comme il veut, le chien ne pourra pas apprendre qu’il ne doit pas sauter s’il n’en a pas reçu l’autorisation.

Lorsque tout est bien compris pour le chien, il faut régulièrement le faire sauter ou lui en donner l’autorisation. Ainsi il peut exprimer ce comportement utile à son bien-être. Mais lorsqu’il n’en reçoit pas le signal, il sait qu’il n’a pas le droit de sauter.

Cette méthode est valable pour toutes les activités que vous souhaitez pouvoir canaliser:

  • Apprendre au chien ce qu’il peut mordre ou pas
  • Lui apprendre à aboyer pour qu’il se taise quand il le faut
  • Lui permettre de poursuivre certaines choses sur signal. Sans signal, il ne peut pas
  • Etc.

Plutôt que de subir ou de lutter contre les comportements guidés par les instincts, apprenons donc à les repérer, les comprendre et les accompagner. Au final, nous y gagnons en apaisement et notre loulou est respecté dans ses besoins. De quoi renforcer encore notre beau binôme !

Laisser un commentaire