La protection de ressources chez le chien

La protection de ressources est un comportement naturel qui existe chez tous les êtres vivants.

A partir du moment où une ressource (nourriture, objet, autre être, etc.) est importante aux yeux d’un individu, il veut la défendre contre toute tentative d’accaparement.

Chez l’humain, cette protection de ressources s’étend même aux choses immatérielles comme les droits artistiques ou de propriété industrielle par exemple.

Ce que l’on désigne par « protection de ressources » est donc la manifestation naturelle d’un instinct de possession.

Le chien souhaite garder ce qu’il a et c'est un comportement normal.

Cependant, il peut arriver que ce comportement soit exagéré et que sa manifestation devienne problématique voire dangereuse.

Le chien fait de la protection de ressources quand il menace ou attaque tout individu s’approchant de ce qu’il souhaite garder. Quand ce comportement est installé, il s’aggrave au fil du temps et se produit de plus en plus fréquemment.

A un certain niveau de protection de ressources, on ne sait même plus trop ce que le chien défend et son comportement est devenu tellement imprévisible que les humains finissent par craindre leur animal et que l’avenir de ce dernier peut se trouver très compromis.

RECONNAITRE LES SIGNES DE PROTECTION DE RESSOURCES

Les manifestations extérieures émises par le chien qui fait de la protection de ressources sont diverses.

Si l’animal est dans un espace ouvert, il pourra s’enfuir avec l’objet de son désir. Mais s’il n’en a pas les moyens, il peut adopter plusieurs comportements :

  • S’immobiliser et regarder fixement devant lui ou en tournant la tête
  • Se mettre à manger plus rapidement ou au contraire cesser la prise de nourriture
  • Se positionner (tête ou corps) au-dessus de l’objet à protéger
  • Relever les babines et montrer les crocs
  • Aboyer
  • Grogner
  • Claquer des mâchoires
  • Mordre

La posture est raide, les muscles du visage sont tendus. La queue est souvent immobile surtout si le chien est figé.

chien qui fait de la protection de ressources

Ces signes sont autant d’avertissements à prendre au sérieux et doivent inciter à agir très rapidement.

La dangerosité potentielle de la protection de ressources doit faire envisager le recours à un professionnel canin. Mais dans tous les cas, il convient de ne pas disputer ou punir le chien. Cela ne ferait qu’augmenter son stress et l’inciterait à escalader plus rapidement vers l’agression.

LES CAUSES DE LA PROTECTION DE RESSOURCES

Mais pourquoi ce comportement naturel devient-il problématique chez certains individus ?

Les causes possibles sont multiples et peuvent s’additionner.

Voici les plus fréquentes :

Les privations antérieures

Si vous adoptez un chien, très souvent vous ne connaissez pas son passé.

Même s’il est jeune, il peut avoir souffert de privation d’éléments indispensables à sa survie. De ce fait, l’accès à ces ressources-là lui sera d’autant plus précieux et il sera très enclin à le défendre.

Ainsi si l’animal a souffert de faim ou de soif, il est probable qu’il défende sa gamelle tous crocs dehors…

La protection de ressources sur les humains est aussi souvent due à un manque de contacts sociaux et affectifs. Le chien qui n’a jamais eu l’occasion d’être choyé peut s’attacher de façon démesurée aux humains qui lui apporteront de l’affection et de l’attention. Vous pensez qu’il vous protège et cela vous attendrit. En réalité il a surtout peur de perdre sa source de bien-être.

Le manque de dépenses

Un chien qui s’ennuie est une bombe à retardement.

Par exemple, le chien qui reste trop souvent seul peut faire de la protection de ressources.

Si ses besoins essentiels en termes de dépenses physiques, mentale et sociales sont durablement insatisfaits, il va adopter des comportements de substitution pour s’occuper.

Parmi ces comportements, il peut prendre l’habitude de « s’amuser » à défendre tout ce qu’il juge lui appartenir.

C’est par exemple le cas du chien qui vole un objet dans la maison puis qui grogne sur toute personne cherchant à lui reprendre. Et il se moque bien qu’il s’agisse de votre portefeuille plein à craquer !

C’est également le cas du chien qui décide qu’un tapis lui appartient. Et mord tout pied innocent qui s’y aventure.

On voit aussi fréquemment des chiens qui rassemblent tout ce qu’il peuvent dans un endroit puis qui protègent ensuite le magot amassé.

Les erreurs humaines

Nous avons tous déjà entendu dire qu’il fallait :

  • Mettre la main dans la gamelle du chien qui mange
  • Retirer son os à son chien alors qu’il est en train de le ronger tranquillement
  • Enlever la gamelle en plein milieu du repas
  • Reprendre son jouet au chien à notre convenance
  • Etc.

Les partisans de ces pratiques pensent qu’il faut montrer au chien que c’est l’humain qui commande pour éviter d’avoir un chien dominant qui un jour pourrait se retourner contre nous ou nos enfants.

En faisant ainsi, nous apprenons juste au chien que nous pouvons lui prendre des choses qui ont de la valeur pour lui. Valeur de survie même, quand il s’agit de nourriture. Nous lui enseignons qu’il ne peut pas nous faire confiance, nous lui apprenons qu’il est important pour lui de faire de la protection de ressources !

La majorité des chiens supportera nos délires mais certains pourront voir la présence humaine comme une menace et se montrer menaçant à leur tour dès que quelqu’un s’approchera de leur bien. L’escalade vers l’agressivité est alors quasi-inéluctable.

Une autre erreur fréquente est celle commise auprès du chien unique, surinvesti par ses propriétaires. Il a droit à tout, n’est pas toujours cadré, n’a jamais besoin de partager.

Si ce chien se trouve à devoir partager son espace (sa nourriture, ses jouets, ses humains…) avec un congénère même pour peu de temps, il risque de fort mal prendre la chose et avoir une réaction disproportionnée : n’ayant jamais appris à partager, il considère tout intrus dans sa sphère comme un agresseur et un voleur de ressources.

Le chien hyper investi par l’humain peut aussi nouer un lien de dépendance tel qu’il ne supporte pas que d’autres individus s’approche de cet humain (ou de sa famille). Tout humain ou animal s’approchant de son propriétaire devient alors une menace qu’il faut faire fuir à tout prix.

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Une mauvaise communication

Le chien est un animal social qui n’aime pas le conflit et cherche à l’éviter en utilisant de nombreux signaux. (Oui, il existe des chiens qui aiment se battre mais cela est dû à un trouble comportemental ou à un façonnage humain)

La littérature est abondante concernant ces signaux de communication émis par le chien pour exprimer un malaise ou un refus. Si le sujet vous intéresse, je ne saurai trop vous recommander le livre « Les signaux d’apaisement » de Turid Rugaas, qui est la bible en la matière.

Le principe est que le chien produit des signaux d’intensité variable selon son degré de mal-être.

Dans le cas de la protection de ressources, nous avons cité les principales manifestations au début de cet article.

Si par méconnaissance de ces signaux, l’humain ou l’animal intrus continue de s’approcher ou même pire, vient toucher ou prendre la gamelle, le chien apprend que ses avertissements n’ont servi à rien.

Donc la prochaine fois, il est possible qu’il grogne.

Puis qu’il morde si le message ne passe toujours pas…

Ce type de mésaventure aura moins de risque de se produire en apprenant à « lire » son animal et à reconnaître les signaux qu’il utilise. En adaptant notre comportement nous lui montrons que nous comprenons et respectons son malaise

COMMENT PRÉVENIR LA PROTECTION DE RESSOURCES

Comme pour tout comportement indésirable, la prévention est préférable à la rééducation.

Une règle est essentielle :

Ne vous fâchez pas, ne punissez pas le chien qui fait de la protection de ressources

N’oubliez pas que ce chien a peur de perdre quelque chose qui lui est précieux (même si pour vous ce n’est qu’un vulgaire bâton et qu’il y en a 100 au m2). Si votre attitude lui démontre que sa peur et son comportement de protection de ressources sont justifiés, ils ne pourront qu’augmenter.

L’arrivée d’un nouveau chien ou d’un chien de refuge

Pour les adoptants de chiens de refuge, il est judicieux de faire quelques tests une fois que le chien a pu s’habituer à sa nouvelle demeure.

A son arrivée, ne vous approchez pas de lui lorsqu’il mange, ne cherchez pas à jouer à des jeux où il doit lâcher ou vous donner des objets. Laissez-le prendre ses marques.

Après quelques jours, vous pouvez tenter de vous approcher de lui au moment des repas. Observez attentivement ses réactions. S’il s’arrête de manger, s’il accélère la cadence, s’il se raidit, reculez.

De même pour les objets qu’il a en gueule ou près de lui.

Egalement pour une approche de son lieu de couchage et des objets qui sont à l’intérieur.

Faites aussi des tests avec des congénères et des humains non-résidents de la maison.

Cette période d’observation est aussi nécessaire si vous adoptez un chien même non issu d’un refuge (replacement, suite à un décès…).

Si vous introduisez un nouvel animal chez vous, faites également ces tests auprès de votre ancien chien. A cette occasion, il peut manifester de nouveaux comportements notamment de protection de ressources.

En cas de problème, faites appel à un éducateur-comportementaliste pour vous aider car une fois installée, la protection de ressources est délicate à corriger.

Le chiot

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Avec le chiot, on partira sur de la pure prévention.

Normalement, le chiot qui arrive dans son foyer ne manifestera pas de comportements possessifs particuliers.

Cependant, nous ne connaissons pas toujours les réelles conditions d’élevage. Peut-être le chiot a-t-il dû se battre pour un accès aux mamelles de sa mère ou à la nourriture solide en période de sevrage… Là encore, le vécu de ses premières semaines peut être à l’origine de comportements inadaptés tels que la protection de ressources exagérée.

Tout chien devrait pouvoir bénéficier d’un programme de prévention. Mais certaines races sont plus prédisposées que d’autres à la protection de ressources. Les chiens de berger et de garde notamment dont le rôle initial est de garder et protéger.

Il est important d’avoir à l’esprit que c’est à l’adolescence que les comportements génétiques ou héréditaires commencent à se manifester. Votre jeune Patou peut tout à fait avoir être conciliant ses 8 premiers mois et brusquement ne plus vouloir partager quoi que ce soit. Il peut adopter une protection de ressources très vive et escalader rapidement dans ses signaux.

Pour prévenir ce comportement, le mieux est de dresser une liste des sujets à risque les plus courants et de mettre en place en amont des petites activités susceptibles de prévenir des attitudes de possessivité extrêmes.

Ces sujets les plus à risque de protection sont :

  • La nourriture et les friandises
  • Les jouets
  • Le lieu de couchage
  • Le lieu de vie (maison, jardin)
  • Certains lieux ciblés (le canapé, un tapis…)
  • Les propriétaires du chien (voir cette petite vidéo mais ne pas s’amuser à faire pareil 😱)

Pour chacun de ces points, des petits jeux et exercices permettront de mettre le chien en confiance afin qu’il ne se sente pas obligé de défendre à tout prix ce qu’il juge lui appartenir.

Par exemple pour le repas, on peut choisir de lancer les croquettes au sol ou dans le jardin ce qui supprime le besoin de protection de la gamelle et donne à l’animal une occasion plus ludique de se restaurer

L’apprentissage du partage des jouets se fera par des petits jeux d’échange et des apprentissages ciblés pour que le chien donne facilement

EN CONCLUSION

La meilleure des préventions en matière de protection de ressources repose sur deux axes :

La satisfaction des besoins du chien pour éviter les effets de l’ennui expliqués un peu plus haut et la création d’un lien de confiance fort avec ses humains.

Ceci est un travail du quotidien : un chien confiant et serein n’aura aucune raison de craindre de perdre ce qui est important pour lui.

Mais si vous percevez un signe laissant penser que votre animal débute une protection de ressources, faites appel à un professionnel. Ce comportement ne s’éteindra pas tout seul et les solutions à mettre en œuvre doivent être adaptées à chaque individu.

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